Les coliques du bébé allaité

Les coliques, ce mot si fréquemment utilisé, aux multiples interprétations et dont on ne sait jamais vraiment à quoi il correspond.

Nous allons voir dans cet article la définition exacte des coliques.

1. Définition des coliques

Les coliques sont définis par la règle de 3 appelée « critères de Wessel ». Il s’agit d’épisodes de pleurs et d’agitation inconsolables de plus de 3h par jour, plus de 3 jours par semaine et durant 3 semaines.

Ces épisodes de pleurs atteignent leur apogée aux alentours de 6 semaines et prennent fin entre 3 et 6 mois de vie du bébé. Il n’y a pas de distinction entre les sexes, les types d’alimentation (sein ou PCN *), l’âge gestationnel et le statut socio-économique ¹.

*Préparation Commerciale pour nourrisson / Lait infantile

2. Les coliques sont-elles de nature physiologiques ou pathologiques?
  • Physiologiques : « Les coliques » :  Une expression employée en France un peu à la manière d’un panier garni où tous les maux d’un bébé y seraient regroupés. Mais en réalité et selon leur juste définition les coliques sont des pleurs et une agitation qui peuvent être liés à quelques suppositions. Les plus courantes étant celles des pleurs de décharge et de l’immaturité digestive.

Il faut savoir que le petit être humain naît totalement immature. Les premiers mois de sa vie vont être l’objet d’une construction psychomotrice extrêmement rapide. Toutes ces informations à traiter et à emmagasiner peuvent donner lieu à des épisodes de pleurs intenses où les bras et la proximité avec les parents, les personnes dont les voix ont été entendues tout le long de la gestation, pourront l’apaiser. C’est d’ailleurs ce qu’on nomme le 4ème trimestre de grossesse.

Lors de la gestation, le bébé ne fait pas de selles. Les déchets accumulés tout le long de la grossesse sortiront sous forme de selles pâteuses et noires, le méconium. L’utilisation de ses sphincters, de l’expulsion des selles est toute nouvelle. Et cette découverte du corps peut être associée à tort à de la douleur.

De plus, son microbiote intestinal n’étant pas mature, il est possible que le bébé rencontre certains inconforts digestifs passagers qui pourront être aidés par des massages.

Mais le bébé n’ayant pas les capacités de communiquer par des mots, s’exprime par les pleurs. Ceci dit, il reste important d’essayer de trouver des causes pouvant être sous-jacentes et donc de définir si ces pleurs sont « seulement » des pleurs liés à un état physiologique ou s’ils ont des origines pathologiques.

  • Pathologiques : Nous l’avons dit, les pleurs sont donc le seul moyen pour un bébé de pouvoir s’exprimer. Et parfois il y a un ou des réel(s) inconfort(s) à prendre en considération.

La prise au sein :

Tout d’abord il faudra vérifier que la prise au sein du bébé est optimale, que la ventouse linguale et labiale sont efficaces pour permettre un transfert de lait sans avaler de l’air. Une langue qui plaque mal le mamelon dans la bouche du bébé ou une lèvre mal retroussée peut laisser passer de l’air et créer un inconfort digestif ainsi que des gaz douloureux.*¹ Afin de limiter l’air, la maman pourra placer le bébé selon l’approche Biological Nurturing (BN) ou placer le bébé en prise asymétrique. Il pourra être nécessaire de faire vérifier la prise au sein par une consultante en lactation certifiée IBCLC ou par une association d’aide à l’allaitement.

– Les aliments ingérés par la mère :

Lors des études, il ressort fréquemment que les protéines de lait de vache peuvent avoir une incidence sur les coliques du bébé. Or elles ne distinguent pas forcément l’alimentation au sein ou aux PCN (dont la principale composante est le lait de vache). Il convient donc d’être mesuré à la lecture de ces études ². Et de ne pas pratiquer d’éviction d’aliment sans avis médical. Par contre, il est possible de vérifier que certains aliments n’amplifient pas ces crises de pleurs. En cas de doute, la maman pourra tenir un journal alimentaire et corréler la prise de certains aliments avec l’amplification de ces crises de pleurs *². Pour tenir un journal alimentaire, il suffit de noter l’aliment ou le groupe d’aliments potentiellement responsable de l’amplification des pleurs, puis de le réintroduire quelques jours après voir si la réaction est identique.

Attention aux médicaments et compléments alimentaires donnés comme la vitamine D dont certains éléments sont difficilement assimilables pour le bébé.

– Le RGO identifié comme tel non lié à une cause extérieure :

Le RGO pathologique peut aussi amplifier ces crises de pleurs, il est nécessaire d’avoir un suivi avec un médecin/pédiatre et d’avoir exploré l’ensemble des raisons pouvant être à l’origine d’un RGO (prise au sein, allergie, REF…).

Le REF (Réflexe d’Éjection Fort) :

Il peut être aussi une cause d’amplification des pleurs si le débit de lait arrive trop vite et trop fort. Le lait reçu en grande quantité sur de courtes tétées fait que le bébé boit un lait riche en lactose, qui peut être corrélé à un inconfort digestif.

– La césarienne :

D’après une étude chinoise, il a été rapporté que les bébés nés par césarienne avaient un microbiote intestinal moins fourni en bifidobactéries (bactéries garantes du bon fonctionnement intestinal et immunitaire) et présentant 2 types de bactéries potentiellement nuisibles. Ce qui peut éventuellement créer plus d’inconforts digestifs que des bébés nés par voie basse.

Mais la flore peut être en partie restaurée grâce à un allaitement exclusif ³.

Le tabac :

Une étude néerlandaise a montré que les coliques sont 2 fois plus élevées chez les enfants de mère fumeuse et non allaités. Cependant, les coliques sont moins fréquentes si les enfants sont allaités au sein. L’allaitement réduirait l’intensité des coliques chez les enfants de mère fumeuse ⁹.

– La caféine :

La prise de caféine (café, thé, chocolat) se diffuse rapidement dans le lait maternel mais sa concentration est faible et ne modifie pas la composition du lait maternel. Cependant l’élimination de la caféine est plus longue chez l’enfant. Les effets sur le comportement, le sommeil, le développement cérébral et le contrôle de la respiration ne sont pas clairement établis. Il est donc préconisé de limiter sa consommation à 300 mg/jour soit 2 ou 3 tasses de café par jour ¹⁰.

Deux autres études ont indirectement étudié l’exposition à la caféine et ont relevé une augmentation des coliques. Mais ont conclu également que les preuves étaient discutables, à savoir si la caféine était réellement l’aliment causal de cette augmentation de coliques ¹¹.

Ainsi si vous observez un état d’agitation et/ou de pleurs plus intense chez le bébé après une prise de caféine, il peut être judicieux d’en limiter sa consommation. En tenant compte que chaque bébé réagit différemment.

– Médicaments :

La prise de certains médicaments par la mère peut entraîner une amplification des coliques chez l’enfant allaité. Il est nécessaire de rester vigilant même si le médicament est compatible avec l’allaitement. En effet l’assimilation de certaines molécules peut être délicate pour le bébé. Il conviendra donc de noter la corrélation entre la prise de médicamentation et une amplification des pleurs et/ou de l’état d’agitation chez le bébé. Si le cas se présentait il ne faudra pas supprimer le médicament mais en discuter rapidement avec son médecin afin de discuter d’une autre alternative médicamenteuse.

3. Les coliques et les traitements dît « anti-coliques » :

Non, les coliques au sens propre du terme n’ont pas à être traitées puisqu’elles sont de nature physiologique.

Mais dans de nombreux cas des traitements vont être proposés à la maman, des traitements à base d’eau de chaux ou des probiotiques entre autre. S’il n’y a pas d’inconfort digestif relevant du pathologique, ces traitements pourraient s’avérer inefficaces et il est toujours préférable d’identifier la nature du problème pour le cibler et le corriger.

Concernant les probiotiques, le lait maternel contient des bactéries parfaitement assimilables pour le bébé. C’est d’ailleurs le lait maternel qui assurera une protection optimale du système digestif du bébé jusqu’à qu’il puisse être autonome dans cette fonction (rôle des IgA sécrétoires). Ceci dit certaines études ont montré que la supplémentation en probiotiques par la mère augmenterait la concentration de ces bonnes bactéries (cytokines, lactoferrine et IgA) et que les troubles intestinaux, les régurgitations et les coliques étaient diminués dans le groupe test ⁴.

Une autre étude en double aveugle portant sur la prise de probiotiques, le Lactobacillus Reuteri DSM 17938 sur des bébés allaités canadiens a démontré que les crises de pleurs et d’agitation ont été considérablement diminués ⁵.

Mais il reste à noter la conclusion d’une autre étude qui dit que « Compte tenu de l’absence de traitement efficace des coliques infantiles et du bon profil de tolérance de L reuteri DSM 17938, cette option thérapeutique pourrait être discutée avec les soignants. Les données sur les autres probiotiques, qu’elles soient positives ou négatives, sont trop limitées pour permettre de tirer des conclusions fiables. » ⁶

Voilà pourquoi toute prise de médicament aussi inoffensive puisset-elle paraître, doit être discutée avec un médecin, et la cause des coliques doit être correctement évaluée avant d’être sujette à proposition de médicamentation.

Même si les coliques semblent être de nature physiologique, il faut admettre que le bébé a un système digestif immature et que son microbiote intestinal est en pleine construction. Il est important de respecter la physiologie du bébé et de savoir que des adjuvants extérieurs censés aider à pallier cet inconfort peuvent parfois créer l’effet inverse. Ce sera propre à chaque bébé et à chaque métabolisme de la dyade mère/bébé.

4. Si c’est physiologique, comment aider le bébé qui semble inconsolable ?

Par définition les coliques disparaissent entre 3 à 6 mois de vie. En attendant, bien que difficiles à vivre pour les parents, il est important de noter le caractère physiologique de ces pleurs.

Donner le sein est la réponse la plus naturelle à ces épisodes de grande agitation, d’ailleurs c’est souvent relié aux tétées groupées.

Une étude a mesuré les effets de la mélatonine produite par la mère et excrétée dans le lait maternel par rapport à une alimentation aux PCN, en comparant les résultats. Rappelons que la mélatonine a « un effet hypnotique et relaxant sur le muscle lisse du tractus gastro-intestinal » (le tractus gastro-intestinal étant l’ensemble des organes qui constituent l’appareil digestif).

Il a été noté que les bébés allaités avaient moins de coliques, moins de crises d’irritabilité et tendance à avoir une durée de sommeil nocturne plus longue que les bébés nourris aux PCN et donc supposé que la mélatonine joue un rôle dans ces critères ⁷.

Outre l’allaitement vous pouvez établir un lien de proximité étroit avec le bébé en pratiquant du portage, du peau à peau, en verbalisant au maximum. Vous pouvez agir par les bercements, le fredonnement au contact du peau à peau, les chansons et vous apaiser vous même pour apaiser le bébé.

Certaines mamans rapporte l’efficacité des bruits blanc durant ces moments d’agitation.

5. La difficulté de ces pleurs pour les parents :

Pour les parents et toute la famille, ces pleurs sont difficiles. Il est important de passer le relais lorsque cela devient trop dur.

En effet les pleurs inconsolables font partie de la liste des risques du syndrome du bébé secoué ⁸. Il est nécessaire de passer le relais et d’être unis lorsque ces pleurs incessants et inconsolables deviennent trop difficiles à supporter.

La fatigue joue un rôle non négligeable également. Avoir un bébé n’est pas de tout repos et il est important de prendre conscience de ses propres limites afin de s’occuper au mieux de son bébé. Être à l’écoute de son esprit et de son corps est essentiel. La maman aussi subit une chute d’hormone potentiellement responsable de la dépression post partum et qui peut être accentuée par les coliques.

Pour s’occuper d’un bébé qui a des coliques il faut des parents unis, capables de s’en occuper ensemble, le soutien est donc primordial.

6. Conclusion :

En conclusion, bien que les coliques soient, au sens propre du terme, physiologiques, il ne faut pas négliger la prise en charge du bébé. Un bébé en pleine construction neuronale et physique aura toujours besoin que l’on réponde à ses besoins de la façon la plus naturelle et la plus instinctive qui soit. En s’occupant de lui, en étant attentif à ses pleurs, à ses demandes. Il convient ainsi d’explorer toutes les pistes qui sont susceptibles de mener à ces crises de pleurs et d’écarter toutes pistes pathologiques.

Et dans tous les cas, la proximité et l’allaitement sont des réponses naturelles à cet état d’agitation et de pleurs inconsolables.

 

*¹ Si la correction de la prise au sein ne suffit pas à être optimale, il faudra penser à faire vérifier les freins du bébé pour s’assurer qu’aucune cause « mécanique » ne viennent entraver le bon fonctionnement de la succion. Un frein lingual, labial voir mêmes de joues, dit restrictif (l’ankyloglossie) peuvent entraîner des problèmes de prise au sein.

Il existe des listes de professionnels formés pour poser le diagnostic de l’ankyloglossie. Cet examen doit être pratiqué de façon méthodique en tenant la tête du bébé de façon à ce que le professionnel puisse passer ses doigts tout autour des freins. Cet examen prend du temps et ne peut s’effectuer d’un simple regard ou sur photo.

*² Il ne faut jamais faire une éviction sans en parler au préalable avec un allergologue ou un médecin. Le suivi médical est essentiel en cas d’éviction. Les allergènes passent potentiellement dans le lait. En éliminant des allergènes qui ne créent pas d’inconfort digestif au bébé il risque de développer un manque de sensibilisation à ces allergènes et être plus violemment atteint lors de la réintroduction. C’est pourquoi une éviction d’une catégorie d’aliments quelle qu’elle soit doit absolument se faire lorsque le problème est clairement identifié puis suivie par un professionnel de santé.

Marina Boudey

pour l’Allaitement Tout Un Art.

Sources :

¹ Américain family physician 92 (7), 577-582, de 2015

² The journal of the royal society for the promotion of health, 124 (4), 162-166 de 2004

³ https://www.biocodexmicrobiotainstitute.com/publications/microbiote-infantile-les-inconvenients-de-la-cesarienne-reduits-par-lallaitement

https://scienceforhealth.fr/visiteusine/

⁵ The journal of pediatrics 166 (1), 74-78 et de 2015

⁶ Journal of pediatrics gastroenterology and nutrition 63 (1S), S22-S24 de 2016

⁷ European journal of pediatrics 171 (4), 729-732 de 2012

⁸ Fiche de synthèse du syndrome du bebe secoue ou traumatisme crânien non accidentel par secouement – HAS – 2017

⁹ Reijneveld SA et al., Infantile colic : maternal smoking as potential risk factor, Arch Dis Child 2000 ; 83(4) : 302-3.

¹⁰ Mise en oeuvre et poursuite dans les 6 premiers mois de l’enfant- HAS- 2002

¹¹ https://smw.ch/article/doi/smw.2018.14665