Diversification alimentaire

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 Préambule

Vous êtes nombreux à nous questionner régulièrement sur le groupe Allaitement Tout Un Art à propos de la diversification.

Ce sujet revient fréquemment et votre publication est classée hors sujet si elle n’est pas directement liée à l’allaitement et nous nous en excusons. Simplement notre groupe reste focalisé sur les questionnements liés au lait maternel et à l’allaitement.

Afin de vous apporter toutefois quelques réponses, voici un petit topo sur le sujet.

Chez ATUA, nous suivons les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé à savoir :

  •  allaitement exclusif les six premiers mois sans ajout d’eau ou autre liquide (en dehors des vitamines et éventuels médicaments)
  •  poursuite de l’allaitement jusqu’à l’âge de 2 ans ou plus en complément d’une alimentation diversifiée
Quand débuter la diversification alimentaire de bébé ?

L’âge préconisé par l’OMS concernant l’introduction d’autres aliments que le lait (qu’il soit maternel ou préparation commerciale pour nourrisson PCN) est de 6 mois révolus. Ceci pour trois raisons principales :

– la maturation du système digestif du bébé

– l’intégration des réflexes archaïques oraux (notamment le réflexe de protrusion de langue, un réflexe de protection qui empêche d’avaler des solides)

– les réserves en fer du bébé et la biodisponibilité du fer dans le lait maternel, couvrent les besoins du bébé allaité exclusivement environ les 6 premiers mois(¹²³).

Cependant s’il y a des allergies dans la famille, un eczéma, une diversification alimentaire peut être préconisée par le pédiatre avant 6 mois. En effet, la fenêtre d’introduction optimale des allergènes se situe entre 4 et 6 mois de vie et impérativement avant un an. Il est tout à fait possible de les introduire à 6 mois simplement il faudra le faire plus rapidement dans un temps plus court en respectant le protocole d’introduction des allergènes classiques (1 à la fois, présenter l’allergène plusieurs fois, attendre quelques jours entre deux allergènes). Un enfant qui prendrait peu de poids n’est pas forcément à diversifier trop rapidement, il est important de rechercher la cause de la mauvaise prise de poids en priorité.

Comment diversifier mon bébé ?

Il existe deux types de diversification :

  •  la diversification classique
  •  la DME (Diversification Menée par l’Enfant), en respectant ses recommandations
La DME

Cette méthode de diversification consiste à proposer des morceaux que l’enfant attrapera avec ses doigts. Il est impératif de respecter les recommandations ci-dessous :

– longueur : petit doigt d’adulte ou tube de colle

– diamètre : poing de l’enfant ou balle de ping-pong 

– texture : crousti-fondante, écrasable entre les doigts, pas de fruits durs, de fruits avec noyaux (à retirer), de légumes crus, de maïs soufflé, d’aliments non pelés, de mie de pain non grillée, de petits morceaux ronds, de légumes verts feuillus car ils peuvent coller au palais…

– tonus : bébé se tient assis seul plusieurs minutes, sans aide

Il est possible de proposer la DME même si on a commencé par la diversification classique à la cuillère. Il n’est pas nécessaire d’attendre entre l’alimentation à la cuillère et la DME, c’est du cas par cas, il faut bien observer son enfant. Amy Brown a mené une étude sur 3 groupes : DME stricte, DME libre et diversification classique. Il a été constaté que les 3 groupes ont les mêmes risques d’étouffement(4). La DME et la diversification classique peuvent donc être menées conjointement, par exemple l’une à la maison, l’autre à la garderie. Il suffit de ne pas proposer un plat où est mélangé ensemble de la purée et des morceaux. De plus, les purées sont aussi une texture à découvrir quand la DME est pratiquée.

Il existe plusieurs comptes ressources concernant la DME, je vous suggère le compte Facebook/Site web de Jessica Coll, IBCLC et diététiste (oui on dit comme cela dans son pays 😉 ), le compte Facebook/Instagram de Fanny Abadjian, orthophoniste, le compte Facebook/Instagram/Site web de Marie Ruffier-Bourdet, ergothérapeute, le compte Instagram de Diversibaby… La DME est sans risque si elle est encadrée par des règles strictes, comme celles énoncées par Jessica Coll.

La diversification classique

Cette méthode de diversification consiste à proposer des aliments mixés à bébé, donnés par l’adulte à la cuillère ou portés à la bouche par l’enfant lui-même grâce à des cuillères pré-remplies ou plus rarement avec ses doigts. Actuellement, les pédiatres préconisent de commencer par 2 à 3 cuillères de légumes cuits en purée et/ou fruits en compote.

Les types d’aliments à introduire sont les fruits, légumes, pommes de terre, produits céréaliers, légumes secs, viandes, poissons, œufs cuits et matières grasses. Chaque groupe alimentaire pourra être introduit de façon concomitante(5). Il n’y a désormais plus d’obligation d’ordre ou de rythme particulier. Il est plutôt recommandé de proposer des aliments différents en tenant compte des saisons. Dès que la diversification a commencé, il est recommandé d’introduire sans tarder les allergènes majeurs, tels que les produits laitiers, l’œuf ou l’arachide, et cela, quelque soit les antécédents familiaux.

Les légumes sont ainsi associés à des féculents cuits. La matière grasse est apportée principalement par le lait maternel et/ou infantile, qui reste l’alimentation de base jusqu’à 1 an (à raison de 500 à 800ml/j). De la matière grasse est ajoutée lors de la diversification, à raison de 1 à 2 cuillères à café d’huile, ou 1 noisette de beurre. Les matières grasses sont essentielles pour le développement cérébral des bébés. Il est d’ailleurs recommandé d’en ajouter aux petits pots tout-prêts s’ils n’en contiennent pas déjà.

Les fruits peuvent être introduits en parallèle des légumes selon les dernières recommandations du Haut Conseil de la Santé Publique HCSP 2020. Le gluten peut être introduit sous forme de céréales (une cuillère à café par jour). Les sources de protéines (viande, poisson, oeuf par exemple) cuites (10 g par jour ou 2 cuillères à café ; à 1 an = 20 g par jour ; à 3 ans = 30 g par jour) peuvent être proposées rapidement. Il est déconseillé de proposer des produits à base de soja jusqu’à 3 ans.

Les légumineuses sont très intéressantes, de par l’apport en protéines qu’elles proposent. On peut les proposer dès le début de la diversification, jusqu’à atteindre une fréquence de 2 fois par semaine à 1 an. On adapte la texture aux capacités masticatoires, et la fréquence à la tolérance digestive. Les associer à une céréale permet d’augmenter la biodisponibilité des protéines.

Les dernières recommandations du HCSP précisent qu’il est important de proposer différents aliments chaque jour afin de favoriser l’acceptation de nouveaux aliments par l’enfant.

La transition vers de petits morceaux se fait entre le 8e et le 10e mois (en tout cas avant 1 an). Lors de cette transition, il est important de permettre à l’enfant de porter des aliments seuls à sa bouche. On fait toujours attention aux aliments dangereux : trop durs et/ou ronds (cacahuète, grain de raisin non coupé, noisette, tomate cerise, morceaux de pomme crus…)

Dans les deux types de diversification, il est important de laisser bébé gérer seul la quantité de nourriture qu’il accepte et s’il veut manger. 

Jusqu’à 1 an, le lait maternel ou infantile reste l’aliment principal du bébé nécessaire à sa croissance, l’alimentation solide étant de l’ordre de la découverte jusqu’à cet âge. Par conséquent, jusqu’à 1 an, il est recommandé de donner le lait en priorité avant les repas.

Au Canada, il est recommandé de commencer la diversification par des aliments riches en fer et cela deux fois par jour car les réserves hépatiques du bébé et la teneur en fer du lait maternel ne suffisent plus à combler ces besoins (6, 7). On notera qu’associer au moment des repas des aliments riches en vitamine C pourrait permettre de mieux assimiler le fer disponible dans les autres aliments(8).

Donner des laitages fait partie de la diversification, il est conseillé d’attendre 6 mois avant d’en donner, le lait maternel couvrant l’ensemble des besoins de bébé. Un laitage peut potentiellement remplacer une tétée chez un enfant gardé s’il n’accepte pas le lait maternel (ou plus rarement le lait sous forme de PCN) dans un contenant. Avant 1 an, si le bébé refuse le LM sous toutes formes (y compris les flans de lait maternel), il sera nécessaire que ses apports lactés soient adaptés à ses besoins. Les laitages seront de préférence nature et non sucrés. En cas de sevrage du lait maternel, il est important de compenser par un lait 2e âge jusqu’à 1 an. Passé cet âge, il sera possible de passer sur un lait de vache entier, ou un lait de croissance non sucré et non aromatisé, ou de poursuivre le lait 2e âge. En cas de passage sur un lait de vache, celui-ci contenant moins de fer, il sera nécessaire de compenser par l’alimentation solide. Le lait 1⁄2 écrémé n’est pas recommandé, car il contient moins de lipides. Les fromages et produits laitiers au lait cru ne doivent pas être consommés par bébé.

Enfin, il est conseillé de limiter les aliments sucrés et salés et ne pas proposer de miel avant l’âge de 1 an (risque de botulisme).


Comment repérer un trouble alimentaire pédiatrique lors de la diversification ?

Un trouble alimentaire pédiatrique peut apparaître dès la naissance, à ce moment-là il s’agit d’un trouble de la succion.

Il peut apparaître aussi plus tardivement lors de la diversification, ou lors de l’introduction des morceaux pour les bébés diversifiés en diversification classique.

De manière générale, il convient de consulter un spécialiste formé à la prise en soin des troubles alimentaires pédiatriques (appelés aussi troubles de l’oralité alimentaire) après avis du pédiatre ou médecin généraliste qui suit votre bébé, si :

– votre enfant présente de nombreux réflexes nauséeux, fait des fausses routes, se racle la gorge >> il peut s’agir d’une hypersensitivité orale en lien ou pas avec un frein restrictif buccal

– votre enfant présente des difficultés durables à passer à la cuillère au-delà de 8 mois et/ou aux morceaux au-delà de 16 mois >> les difficultés de transition sont très typiques des troubles alimentaires

– 3 critères sont à retenir pour qualifier un trouble dit alimentaire (Thomas Fondelli, psychologue), un seul critère peut être présent :

      • un critère de quantité : enfant petit mangeur
      • un critère de diversité : hypersélectivité de textures, couleurs, températures, panel alimentaire peu varié
      • un critère de comportement lors des repas : durée, besoin de distraction, perte de plaisir…

Si vous constatez une ou plusieurs de ces difficultés qui perdurent au cours de la diversification (supérieur à 2 semaines) ou même à distance, et en dehors de toute maladie, il s’agit peut-être d’un trouble alimentaire pédiatrique à explorer.

La plupart des enfants passent par un stade de néophobie alimentaire (peur de la nouveauté) qui apparaît vers 2 ans et est physiologique, les enfants sans trouble alimentaire passent ce cap. Cette néophobie alimentaire peut perdurer jusqu’à 6 ans (11 ans selon les auteurs).

Une perte d’appétit peut aussi être liée à une carence en fer (anémie) ou en zinc. Il convient de faire un point avec un pédiatre si vous avez un doute. 

Dans tous les cas, nous vous suggérons de discuter de votre projet de diversification avec le pédiatre ou médecin généraliste qui suit votre bébé ou une diététicienne/ diététiste.

Audrey, Orthophoniste et Lact’aidante Isère

Emilie, Infirmière Puéricultrice et Lact’aidante Maine et Loire

pour l’Allaitement Tout Un Art

Sources :
  1. https://www.lllfrance.org/vous-informer/fonds-documentaire/dossiers-de-l-allaitement/2078-da-138-les-bebes-allaites-ont-ils-besoin-de-fer
  2. Le statut en fer des nourrissons nés à terme de mères non carencées, alimentés exclusivement au sein pendant six mois ou plus, est considéré comme satisfaisant jusqu’à l’âge de 6 mois. Par contre, les risques de carence avant 6 mois sont élevés chez les enfants nés dans des conditions socio-économiques défavorisées ou avec un poids de naissance faible ou une prématurité (Domellöf, 2001).
  3. La faible concentration en fer du lait maternel est partiellement compensée par sa biodisponibilité qui est plus élevée que celle du lait de vache (AFSSA, 2001)
  4. Brown, A. (2017) ‘No difference in self-reported frequency of choking between infants introduced to solid foods using a baby-led weaning or traditional spoon-feeding approach’, Journal of Human Nutrition and Dietetics, DOI: 10.1111/jhn.12528
  5. Haut Conseil de Santé Publique “Avis relatif à la révision des repères alimentaires pour les enfants âgés de 0 à 36 mois, et de 3 à 17 ans” du 30 juin 2020
  6. https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/guide-alimentaire-canadien/ressources/nutrition-nourrisson/nutrition-nourrisson-terme-sante-recommandations-naissance-six-mois/6-24-mois.html
  7. Dewey KG. Principios de orientación para la alimentación complementaria del niño amamantado. Wash DC Organ Panam Salud. 2003
  8. https://gut.bmj.com/content/60/10/1309.long