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Aversion, RED et REI

L’aversion et le réflexe d’éjection dysphorique sont des sujets peu abordés, même tabous et pourtant de nombreuses mères le ressentent. Il est temps de briser ce tabou et d’en parler ouvertement car vous n’êtes pas seule. Beaucoup de mères ressentant de l’aversion veulent continuer d’allaiter. Elles doivent être écoutées et soutenues de toutes les manières possibles. Il faut banaliser l’aversion et les troubles dysphoriques pour faire déculpabiliser les mères.

L’aversion     


a) Définition

L’aversion et agitation à l’allaitement ou AAA est un phénomène qui déclenche lors de l’allaitement des émotions négatives très fortes. Ces émotions et ressentis sont : colère, irritation, agacement, rejet,envies de repousser l’allaité violemment, …. Il peut également y avoir des sensations physiques comme des démangeaisons du mamelon, aréole, du sein ou de la peau en général avec un besoin urgent d’enlever le bébé du sein, ou encore des nausées. Des pensées intrusives comme se sentir piégée, avoir l’idée de blesser volontairement son enfant peuvent être ressentis.

L’aversion commence presque toujours au moment où l’enfant prend le sein ou peu de temps après le début de la tétée et ce sentiment se termine quand l’enfant lâche le sein. Il arrive aussi que la maman ressente l’aversion quand elle voit un bébé téter, en pensant à l’allaitement ou quand l’enfant s’approche/ touche les seins. 

L’aversion peut arriver à tout moment de l’allaitement; que ce soit l’allaitement d’un nouveau-né ou d’un bébé plus grand, durant une grossesse ou un co-allaitement (allaitement en tandem). 

La durée et l’intensité de l’aversion sont variables d’une femme à une autre; certaines ne le ressentiront qu’une fois, d’autres, en revanche, à toutes les tétées. 

Les mères n’osent pas parler de ces sentiments car elles ressentent souvent de la honte et de la culpabilité à ressentir cette aversion. 

b) Les causes possibles et les facteurs de risque

L’aversion n’étant pas reconnue, il y a peu d’études publiées qui exposent clairement les causes de cette condition. L’une des seules sources existantes est une recherche menée par Zaineb Yate (1) sur plusieurs milliers de femmes dont elle a compilé et étudié les témoignages.

Elles exposent des causes multiples et qui peuvent se combiner entre elles : 

  •  L’allaitement durant la grossesse: l’aversion peut arriver en milieu de grossesse avec souvent une baisse de l’aversion en fin de grossesse; pour d’autres femmes c’est l’effet inverse et l’aversion est plus forte. C’est vraiment femme dépendant” et n’est pas systématique,
  • Le co-allaitement (allaitement en tandem): l’aversion peut être déclenchée soit par l’ainé, soit lors des tétées conjointes, soit lors des tétées solo, soit par les 2 enfants, 
  • Le cycle menstruel: Lors du syndrome pré-menstruel ou durant les menstruations. L’aversion est liée aux hormones du cycle et passe dès cette période finie,
  • L’allaitement d’un bambin (au-delà de 2 ans),
  • S’il y a eu des abus physiques, psychologiques, sexuels dans le passé de la maman,
  • La fatigue, le manque de sommeil,
  • Une malnutrition, une carence en vitamine,
  • La déshydratation,
  • Les troubles de l’humeur post-partum,
  • Une hypersensibilité aux facteurs de stress.

Ce n’est qu’une liste des possibilités, l’aversion peut arriver à tout moment, quel que soit l’âge du bébé, sans grossesse, ni co-allaitement.

L’aversion n’est pas systématique; ce n’est pas parce que vous avez plusieurs facteurs de risques que vous ressentirez une aversion.

  c) Les solutions et conseils

Gardez à l’esprit que l’aversion n’est pas une fatalité ! Et heureusement, car elle n’est vraiment pas facile à vivre pour la maman.
L’une des premières choses à faire est de s’entourer de personnes qui connaissent l’allaitement et l’aversion. Il faut en parler pour briser ce tabou et se sentir soutenue et écoutée.
C’est en essayant différentes choses et en faisant des erreurs que la/les causes possibles pourront être identifiées afin de réduire ou supprimer l’aversion.

Voici quelques conseils pour vous aider:

 

  • En fonction de l’âge de bébé, il est possible de passer à l’allaitement à l’amiable ( L’allaitement à l’amiable ), le but est de ne pas offrir mais de ne pas refuser non plus,
  • Faire un bilan sanguin : sur avis du médecin, possibilité de faire un bilan complet ( fer, hormone, vitamine D, …) pour voir s’il n’y a pas une carence,
  • Vérifier la position au sein, que bébé “ventouse” bien, 
  • Se distraire l’esprit : en allaitant avec d’ autres personnes autour (parler vous occupera l’esprit), regarder la télévision, le téléphone, lire un livre, écouter de la musique, … Cela s’appelle la distraction cognitive et c’est la façon la plus rapide et efficace de soulager l’aversion. Tenir un glaçon est une autre possibilité: Le cerveau ne peut pas faire une activité cognitive (tenir le glaçon) et se concentrer sur des émotions négatives en même temps,
  • Dormir : l’aversion est aggravée par la fatigue; n’hésitez pas à faire des siestes avec bébé, à demander de l’aide à vos amies, votre famille, …  pour le ménage, les repas, s’occuper de bébé en dehors des tétées pour pouvoir vous reposer. Il existe aussi les siestes courtes avec l’hypnose :
  • Du temps pour vous: la sensation d’être toujours “coincée” avec son enfant peut accentuer l’aversion, du coup il faut prendre du temps pour soi, pour souffler, se détendre et retrouver le plaisir d’être avec bébé,
  • Tenir un journal menstruel : l’aversion pouvant être en lien avec votre cycle menstruel, vous pouvez tenir un journal où vous noterez les périodes d’aversion, leur intensité et où vous en êtes dans votre cycle (phase pré ovulatoire, ovulatoire ou post ovulatoire. Vous pouvez en parler avec votre médecin et demander un bilan des hormones féminines, ainsi que vous rapprocher de conseillères en symptothermie. 
    De manière générale , tenir un journal avec votre état physique, psychologique, émotionnel,  peut vous aider à comprendre quand l’aversion se fait sentir,
  • S’hydrater correctement et à votre soif. Boire plus ne produit pas plus de lait mais il faut boire à sa soif et ce même la nuit. Un changement est remarqué par de nombreuses mères avec l’hydratation,
  • La nutrition : avoir une alimentation équilibrée peut jouer un rôle sur l’aversion. Voir un nutritionniste ou diététicien spécialisé à l’allaitement peut être utile.
    Malgré le manque de recherche, certains compléments auraient un rôle pour enrayer l’aversion, notamment en B12, magnésium, vitamine D. Les compléments ne sont pas à prendre à la légère et il faudra demander l’avis de votre médecin. Il est possible d’éviter les compléments en rééquilibrant l’alimentation et inclure des aliments riches dans ces substances.

Le réflexe d’éjection dysphorique

a)Définition

 Selon la définition du dictionnaire, la dysphorie est un trouble psychique caractérisé par une humeur oscillant entre tristesse et excitation, son contraire étant l’euphorie.

Après cette interlude sémantique, voyons comment se manifeste cette dysphorie quand il est lié à l’allaitement.

Le réflexe d’éjection dysphorique ou RED ou D-MER (en anglais) est le fait de ressentir une variété d’émotions négatives juste avant l’éjection du lait. Cette pulsion d’émotion arrive 30 à 90 secondes avant la libération du lait et se dissipe une fois le lait éjecté. Il est présent dès le début de l’allaitement.

Les émotions ressenties sont principalement de l’anxiété, découragement, tristesse, creux dans l’estomac, angoisse, désespoir, effroi, nervosité …. 

Le RED n’a pas de lien avec le contact du mamelon ou l’irritation/tiraillement du mamelon. Il n’y a pas de sensation physique, il est purement émotionnel.

Les émotions et leurs intensités sont différentes pour chaque femme; le RED peut être léger et aussi extrême avec des idées suicidaires, d’automutilation. Le sentiment étant bref, les mamans n’agissent généralement pas en conséquence. Les mamans se sentent très bien tout le reste du temps sauf ce bref moment avant l’éjection du lait.

Il est possible de décrire 3 intensités:

  • léger, auto-correction dans les 3 premiers mois,
  • modéré, correction possible autour des 9 mois,
  • sévère, ne se corrige pas avant 1an ou plus tard.

Le RED étant présent avant l’éjection, il est possible de le ressentir uniquement lors du premier jet comme lors de chaque éjection soit entre 2 et 12 fois par tétée.

Il est possible de ressentir un RED en étant tire-allaitante. 

Il peut se faire ressentir lors des tirages mais pas forcément quand bébé est au sein. Le RED en tire-allaitement peut être plus prononcé qu’au sein; au sein la maman produit plus d’ocytocine qu’ en tire-allaitement.

b) Le fonctionnement et les facteurs de risques du RED

Lors de l’allaitement, le réflexe d’éjection est le résultat conjoint de l’augmentation de l’ocytocine et la baisse de la dopamine ( qui joue un rôle inhibiteur de la prolactine qui, elle, est essentielle dans la production du lait).

Généralement, cette baisse de dopamine n’est pas ressentie par les mamans, le taux hormonal baisse de façon adéquate; chez les “mamans RED”, la dopamine diminue anormalement, ce qui engendre la vague brève et intense d’émotions négatives.

Rappelons que la libération du lait est en lien avec l’ocytocine et non la dopamine.

Certaines femmes peuvent ressentir une dysphorie dans d’autres situations, comme lors du syndrome pré-menstruel, avant les bouffées de chaleur lors de la ménopause (ce cas intervient bien après l’allaitement), réaction lors de jeu avec les mamelons dans les situations sexuelles, dysphorie lors de l’orgasme (il est conseillé d’en parler à un professionnel, sage-femme, sexologue..), ce qui peut prédisposer à la dysphorie lors de l’éjection du lait.

Les événements passés ne provoquent pas de RED mais le RED peut réveiller des moments de vie particuliers; c’est à dire que si lors d’une expérience de vie, celle-ci a provoqué une baisse de dopamine, alors il est possible d’avoir une sensation de déjà vu à chaque fois que la dopamine baisse.

A l’heure actuelle, les recherches ne permettent pas de dire exactement pourquoi certaines femmes et pas d’autres. Le RED étant médié par la dopamine, il peut y avoir une cause environnementale, carence nutritionnelle, dégradation de l’activité hormonale ou tout autre lien avec l’hormone (problème de récepteur par exemple) ou cause inconnue.

Les différents témoignages de mères souffrant de RED ont permis de mettre en avant quelques facteurs aggravants (il est possible que certains de ces éléments interviennent, comme il est possible qu’aucun ne vous influence):

  • le manque de connaissance sur le RED,
  • le manque de temps pour soi,
  • l’isolement,
  • ou au contraire être entourée de personnes,
  • les galactogènes,
  • une alimentation faible en glucide,
  • le fait d’être toucher,
  • le moyen de contraception,
  • la caféine,
  • le stress,
  • un environnement oppressant, négatif,
  • des tétées trop espacées,
  • les variations lors du cycle menstruel,
  • un environnement désordonné et encombré.

Cette liste est non exhaustive et dépendant de chaque femme.

c) Les astuces pour diminuer le RED

Le RED est souvent découvert lors des deux premières semaines d’allaitement, il peut disparaître vers les 3 mois du bébé (RED léger). Pour d’autres, l’intensité du RED diminue au fur et à mesure que bébé grandit puis finit par disparaître (RED modéré). Pour certaines, le RED dure jusqu’au sevrage quel que soit l’âge du bébé (RED sévère).

De ce fait, il n’existe pas de recommandations officielles de traitement; 

Il est recommandé de tenir un journal pour y noter lors de chaque dysphorie, son intensité, les émotions ressenties, les choses qui se sont passées avant ( café, stress, déshydratation….) et ce qui peut l’avoir diminué ( repos, exercice…), noter aussi les changements de vie. Cela permet de prendre conscience du RED et d’adapter le style de vie si besoin.

Ainsi l’expérience de plusieurs mères ont permis de faire cette liste d’action qui aide à diminuer le RED:

  • avoir des connaissances sur le RED, 
  • la validation de l’expérience, être écoutée et reconnue,
  • être en contact avec d’autres mamans ayant un RED,
  • prendre du temps pour soi, 
  • faire des exercices de respirations profondes comme la respiration ventrale,
  • visualiser son objectif d’allaitement si on en a un,
  • ignorer le sentiment de RED,
  • se rappeler qu’il est transitoire ( une fois l’éjection faite les émotions disparaissent),
  • se distraire, (vidéo, son, livre….),
  • boire de l’eau froide.

Les recommandations qui suivent doivent être vu par un médecin, sage-femme:

  • vitamine D,
  • magnésium,
  • complexe de vitamine B,
  • probiotique.

L’ocytocine peut aider à la disparition de certaines émotions du RED, ainsi le peau à peau, les câlins et la relaxation.

Il a également été remarqué qu’en cas de dépression post-partum ou troubles anxieux, le RED est plus difficilement gérable. Le RED est différent  de la dépression post-partum et de l’aversion.

Le RED ayant un lien avec la dopamine, il est possible, de manière exceptionnelle et en consultation avec son médecin, de prendre un traitement booster de dopamine.

Un soutien et une écoute auprès de nos lact’aidantes est un vrai plus.

Le réflexe d’éjection inhibé

c) Les signes d’une bonne éjection

Le réflexe d’éjection est femme-dépendant, c’est à dire que certaines femmes le ressentent tout au long de leur allaitement, d’autres ne le ressentiront jamais et d’autres le sentiront au début de leur allaitement puis le sentiront de moins de moins jusqu’à ne plus le ressentir au fil des mois.

Il y a différents signes qui permettent de reconnaître un réflexe d’éjection sain:

  • au début d’allaitement ( les premières semaines environ), il est possible que la maman ressente des crampes utérines lors de l’éjection,
  • le bébé passe d’une succion courte et irrégulière à une succion longue, tirante rythmique,
  • il est possible d’avoir une sensation de calme, détente, somnolence, relaxation,
  • Certaines mamans peuvent avoir une sensation de soif durant les tétées.
  • le bébé déglutit plus souvent, on entend le bébé déglutir et on observe le muscle bougé vers  son oreille

 Si l’éjection est plus longue que d’habitude à venir, on parle de réflexe d’éjection inhibé ou ralenti (REI).

b) Les causes du réflexe d’éjection inhibé

Il est possible d’avoir un réflexe d’éjection inhibé lors du tire-allaitement et aussi quand bébé est au sein.

Les différentes raisons du réflexe d’éjection inhibé sont l’anxiété, la douleur lors de la tétée, la gêne ressentie (exemple: allaiter quand il y a du monde ), le stress, le froid, une consommation excessive de caféine, le tabagisme, l’alcool et certains médicaments.

Il est également possible de ressentir un réflexe inhibé lorsque la maman a eu une chirurgie mammaire. Lors de la chirurgie, il est possible que certains nerfs aient été endommagés ce qui agit sur le réflexe d’éjection.

Un cercle vicieux se crée :  

c) Quelques solutions pour aider le réflexe d’éjection

Vous pouvez vous concentrer sur vos sens, boire votre boisson préférée (hors alcool) pour le goût, une chanson pour l’ouïe, diffuser des odeurs…..avant chaque tétée, si possible même endroit, même circonstance au moins une chose identique que vous faites à chaque tétée.

 

Avant la tétée, il est possible de :

  • prendre une douche, un bain chaud (avec ou sans bébé),
  • prendre un antalgique si douleur 30 min avant la tétée environ (avec avis du médecin ou sage-femme),
  • privilégier un environnement calme,
  • musique que vous aimez,
  • privilégier le peau à peau c’est à dire bébé en couche et vous dénudée,
  • avoir quelque chose à boire à proximité,
  • vous installez confortablement,
  • vous pouvez masser vos seins,
  • possible aussi de placer quelque chose de chaud et humide sur le sein comme un gant d’eau chaude.

De manière générale, tout ce qui peut augmenter le niveau d’ocytocine.

 

Pendant la tétée, il est possible de :

  • faire quelques respirations profondes, respirer profondément comme les techniques de relaxation,
  • chanter, fredonner,
  • visualiser le lait qui sort,

ou au contraire, en fonction de ce qui vous convient le mieux : 

  • faire autre chose: regarder la télé, téléphone, lire un livre, le but est de se détendre et penser à autre chose,
  • demander au co-parent de vous masser les épaules,
  • masser le sein pendant la tétée, faire une compression.

 

Pour les mamans tire-allaitantes, vous pouvez:

  • cacher le contenant : voir le biberon/contenant peut stresser et augmenter l’inhibition.
  • mettre des écouteurs avec soit les gazouillis de votre bébé, une musique que vous aimez, une séance de sieste flash d’hypnose,
  • regarder une photo de votre bébé,
  • avoir un tissu/habit avec une odeur qui vous détend (que ce soit l’odeur de votre bébé, le parfum de votre conjoint.e ..)

 

Les maîtres-mots sont détente et relaxation.  Le réflexe d’éjection inhibé n’est pas une fatalité: il se nourrit du stress! N’hésitez pas à contacter une lact’aidante ou une personne support pour vous soutenir.

 

Voici un exemple de sieste flash (possible d’en trouver d’autres sur youtube ou demandez à votre sophrologue ou hypnothérapeute):

Amélie Lefevre pour L’Allaitement Tout Un Art

 

 

 

Sources et infos utiles :

(1) Zaineb Yate auteure du livre (« when breastfeeding sucks ») et créatrice du site Breastfeeding Aversion 

Site anglais spécialisé sur le RED:  
Tristesse lors de l’allaitement – D-MER.org