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Sevrage Nocturne

« J’en peux plus, mon bébé de 10 mois se réveille toutes les heures !

Tu allaites encore ?!

Oui, pourquoi ?… »

Tu l’as déjà entendu cette petite question anodine ?

1. Quand sevrer son bébé la nuit ?

Sevrer son bébé la nuit n’a jamais garanti l’absence de réveils nocturnes ou l’allongement des temps de sommeil.¹ Même si c’est ta mamie, ta meilleure amie ou ta mère qui te l’a dit, c’est tout simplement faux.

Notre temps de travail et nos interactions sociales ont pour la plupart lieu en journée et, la nuit est dédiée au sommeil. “Le problème réside dans notre perception de la manière dont un bébé devrait dormir, de même que dans notre propre besoin d’une nuit de sommeil ininterrompu²”.

Dans nos accompagnements, nous entendons le désespoir, l’épuisement et l’isolement de ces mamans et familles qui viennent parfois chercher dans le sevrage nocturne la solution à leur difficulté. Bien souvent, l’isolement, le manque de soutien, et de présence au quotidien sont les problèmes sous-jacents. Concernant l’allaitement nocturne, “il y a un problème de sommeil à partir du moment où l’enfant qui se réveille la nuit dépasse votre capacité à faire face à la situation.³”.

Les cycles du sommeil de l’enfant sont constitués de phases de sommeil profond, d’endormissement, de sommeil léger mais aussi de phases d’éveils brefs. C’est lors des phases d’éveils brefs (tout à fait normaux) que ton bébé t’appelle, notamment par des pleurs, ne réussissant pas à se rendormir seul. Pour plus d’informations sur le sommeil du bébé allaité, je t’invite à jeter un œil à notre article “Sommeil et Allaitement”.

Les premiers mois, le bébé réclame souvent à téter en journée et il est très fréquent que ce soit le cas la nuit aussi. C’est d’ailleurs pourquoi, lorsque le bébé ne tète pas pendant de longues heures, le sein se durcit voire s’engorge et devient douloureux. À la différence du biberon, l’allaitement au sein ne requiert pas de se lever de son lit, d’allumer la lumière, etc. Parfois, dormir avec son bébé et l’allaiter au besoin à chaque réveil permet une nuit de sommeil longue et reposante. Avoir un « sommeil partagé” présente l’avantage d’encourager la synchronisation des cycles de sommeil et aussi développe considérablement le lien et le sentiment d’attachement du bébé à ses parents.⁴ Avant un an, il est communément admis que certains enfants ont besoin d’être nourri après 4 heures de sommeil. Jusqu’à 9 mois, un ou deux allaitements par nuit est parfois nécessaire au développement physiologique de l’enfant.⁵ Enfin, quelque soit l’âge pour lequel tu souhaites sevrer ton bébé, il est plus adapté d’éviter des périodes de poussées dentaires, de maladie, nouvelles acquisitions ou tout changement susceptible de l’impacter. Le sommeil de l’enfant n’en sera que plus agité et ton réconfort peut s’avérer précieux dans ces passages parfois compliqués pour des tout-petits.

Ceci étant dit, le choix du sevrage nocturne reste la décision des parents de l’enfant. Tu es libre de sevrer quand tu le souhaites. Peu importe les raisons, cette décision prise en conscience est respectable et doit être respectée. 

Sevrer son bébé la nuit peut engendrer une baisse de lactation mais peut aussi ne pas avoir de conséquences du tout. Il arrive que certains bébés de trois mois, parfois moins, dorment toute la nuit tout en étant allaités par ailleurs. Si baisse de lactation il y a, celle-ci peut provoquer un sevrage induit et prématuré notamment lorsqu’elle nécessite l’introduction de compléments comme les PCN (Préparation Commerciale pour Nourrissons). 

Nourrir son bébé au sein n’est pas nourrir son bébé au biberon. Lorsqu’on allaite, on ne “mesure” pas la quantité de lait ingéré, on ne compte pas le nombre de fois que bébé prend le sein. D’ailleurs, allaiter n’est pas simplement donner du lait à son enfant. Le bébé peut réclamer le sein pour beaucoup d’autres raisons.

C’est pourquoi, il n’est pas possible, sur la base du nombre de prises uniquement, de déterminer si un bébé a pris la quantité de lait nécessaire à son développement. 

Mesurer une éventuelle baisse de lactation doit se baser sur des critères objectifs. Ces indicateurs sont en réalité liés au bébé lui-même : 

  • Y a t il une perte de poids? 
  • Combien de couches sont mouillées par jour? 
  • Quel est son état général?  
  • Quel est son comportement lors des tétées : énervement au sein? Agitation car le lait ne vient plus assez vite?

Au besoin, notre association ou une consultante en lactation certifiée IBCLC pourra t’aider à vérifier les critères précédents. Si et seulement si les indicateurs précédents indiquent une baisse de lactation alors il sera peut être nécessaire de complémenter. Notre article sur l’allaitement mixte pourra t’indiquer la marche à suivre dans ce cas là. 

Pour les mères qui s’absentent en journée, il sera nécessaire d’être particulièrement vigilant aux indicateurs ci-dessus puisque l’enfant ne pourra pas, dans ce cas de figure, stimuler la production de lait de la même manière.

2. Comment sevrer son bébé :

Un enfant ne pleure jamais sans raison. Les pleurs signalent une ou plusieurs émotions ou un appel à l’aide. C’est pourquoi il est essentiel de répondre au(x) besoin(s) de son enfant par sa présence inconditionnelle. Sevrer son bébé en le laissant pleurer seul n’est et ne sera pas une solution acceptable. Ton petit n’a pas encore la capacité de comprendre ce qu’il vit et encore moins d’expliquer ce qu’il ressent, de décrire ses peurs, sa colère et sa souffrance autrement qu’avec des pleurs. 

Ne pas consoler un enfant, notamment lors du sevrage nocturne, revient à le laisser seul vivre une situation de peur, de stress et d’anxiété intense. Ce stress, s’il se répète, entraîne la sécrétion de fortes quantités d’hormones telles que le cortisol, l’adrénaline, etc. qui peuvent, à terme, affecter durablement les capacités cognitives de ton enfant. De plus, “quand personne ne répond à ses appels, à ses pleurs, l’enfant apprend à ne plus se connecter avec ce qu’il ressent”⁶. 

Ceci étant dit, l’épuisement arrive, il existe et il n’est en aucun cas le signe que tu/vous n’êtes pas les parents qu’il faut pour cet enfant. Tu as le droit de ne plus y arriver, tu as le droit de demander de l’aide. Il existe de nombreuses associations de soutien et je t’invite à t’en rapprocher au besoin.⁷ 

Dans la suite de cet article je vais te proposer des pistes de réflexions pour faciliter ce sevrage. Ce n’est en aucun cas un protocole ou une méthode à suivre à la lettre. Vous êtes les parents de votre bébé, vous le connaissez mieux que personne et surtout, vous êtes à ses côtés et donc vous avez l’opportunité d’ajuster et d’adapter les suggestions aux spécificités de votre enfant. Quelques-unes des propositions sont largement inspirées du livre « Un sommeil paisible et sans pleurs” d’Elizabeth Pantley. 

Comme indiqué dans la première partie de cet article, il est essentiel que ce choix soit fait en conscience, cela requiert donc réflexion et parfois temps. Il est normal que tu ressentes le besoin d’être soutenue et épaulée dans cette décision par ton/ta partenaire, ta mère ou toute personne ressource et en qui tu as confiance. Dans certains cas, il est plus simple pour la maman qui allaite et le bébé, qu’une tierce personne intervienne. En effet, l’odeur de la mère et de son lait rendent parfois difficile le sevrage nocturne. Ainsi le/a conjoint/e peut prendre le relais lors des réveils, apporter présence et douceur au bébé qui apprend à se rendormir sans le réconfort du lait maternel mais avec l’accompagnement sécurisant et attentif de son autre parent ou personne proche. N’hésites donc pas à solliciter de l’aide. Le sevrage nocturne est parfois une étape éprouvante pour le bébé et aussi les parents qui l’accompagnent.

Une fois la décision prise, ton comportement doit être cohérent avec ton choix. Sevrer tout en regrettant (dans sa tête) le sevrage risque d’envoyer des signaux contradictoires. Ton sevrage nocturne aura, dans ce cas, peu de chances d’aboutir et ton bébé ne comprendra pas ce qui est attendu de lui. La décision doit donc être ferme tout en sachant faire des retours arrière au besoin (lorsque tu sens que ton bébé n’est finalement absolument pas prêt ou si il tombe soudainement malade, etc.) sans pour autant le vivre comme un échec. Parfois ce n’était pas le moment, on réessaie plus tard, tout est juste. C’est le signe que tu as su écouter les besoins de ton enfant tout en essayant de répondre aux tiens. 

Pour Elizabeth Pantley, la clef du sevrage voire de l’allongement des temps de sommeil du bébé est d’amoindrir l’association entre la succion et le sommeil. Selon elle, il faut être prêt pendant une semaine voire un mois à faire face à des réveils nocturnes parfois plus compliqués notamment sur les temps de rendormissement.

Il est communément admis qu’un bébé fait ses nuits (pas encore les nôtres…) lorsqu’il dort pendant 5 heures consécutives. C’est pourquoi Elizabeth Pantley, recommande aux parents d’avoir des “attentes réalistes” y compris sur la temporalité de réalisation de ces objectifs. Un bébé est rarement sevré en une nuit et je le répète, sevrer son bébé ne garantit pas un allongement des temps de sommeil. Autrement dit, espérer 8 à 12 heures de sommeil d’affilées en sevrant son bébé en une nuit n’est juste pas réaliste voir irréalisable.

Le programme pantley du sevrage nocturne

Lorsque bébé se réveille, l’idée est de l’allaiter comme d’habitude mais au lieu de laisser le bébé se rendormir au sein, il est suggéré de retirer le mamelon lorsque bébé entre en demi-sommeil ou que la fréquence de succion diminue. Pantley prévient que bébé au début aura tendance à chercher immédiatement à retrouver le mamelon. Si le bébé se met à pleurer et à chercher avidement le sein malgré les tentatives de maintenir sa bouche fermée en relevant délicatement son menton, il ne faut pas hésiter à reprendre le processus: allaiter, tenter de tenir son menton et si il refuse, allaiter de nouveau. Et ce, jusqu’à un endormissement paisible du bébé dans son lit sans avoir eu le mamelon en bouche.

Le raisonnement sur lequel se base Elizabeth Pantley est le suivant: lorsque tu endors ton bébé au sein et que délicatement, avec toutes les précautions du monde, tu le poses telle une plume sur son lit (tout un art n’est ce pas?) ; le bébé lui n’a pas du tout réalisé que tu n’es plus là, que ton mamelon n’est plus dans sa bouche. Du coup lorsqu’il se réveille, il est aisé de comprendre son questionnement et parfois ses pleurs : où sont passés les bras sécurisants et le délicieux lait avec lesquels je me suis paisiblement endormi?

Partant de cette analyse, l’auteur propose la “méthode” décrite plus haut pour dissocier l’endormissement de la prise au sein afin que l’enfant apprenne progressivement à se réveiller et se rendormir seul. L’objectif d’Elizabeth Pantley est de permettre à l’enfant de se passer des parents pour retrouver le sommeil puisque les éveils brefs, expliqués en partie 1, sont normaux et physiologiques.

D’après Pantley, la façon dont s’endort le bébé aura des conséquences sur les éveils au cours de la nuit c’est pourquoi, si ce n’est pas déjà le cas, il est particulièrement pertinent d’user de sa méthode la première fois que bébé s’endort pour la nuit.

Encore une fois, si l’on veut que cette méthode reste douce pour le bébé, il faut compter une dizaine de jours d’après l’auteur pour briser l’association succion/ sommeil et donc mener à terme le sevrage nocturne.

3. Conclusion :

Prendre la décision de sevrer son bébé la nuit est rarement plaisant ou aisé. L’important reste que cette décision soit un choix conscient et éclairé sur les éventuelles conséquences.

Est ce que ce choix serait le même si la vérité sur le sommeil des bébés était plus souvent admise? Non, tous les bébés ne dorment pas tous 8 à 12 heures par nuit passé 3 mois, c’est plus l’exception que la règle.

Ce choix serait-il le même si la société permettait aux parents de jeunes enfants d’aménager leurs emplois du temps et leurs horaires de travail les premières années au lieu d’imposer qu’un retour à la « normale » revienne au plus vite?

Courage à tous les parents dans leurs choix et leurs nuits. Je vous souhaite à tous de trouver le village qui vous soutiendra dans ces étapes de vie parfois difficiles.

Yasmin Doula EnraciNée

pour l’Allaitement Tout Un Art

Sources :

¹ Entre 1 à 3 ans environ 35% des enfants ne font pas nuit d’adulte, or, passé 1 ans seul 9% des enfants sont encore allaités. Il n’y a donc aucune corrélation entre sevrage nocturne et le fait de “faire” ses nuits.

https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/troubles-sommeil-enfant/types-troubles-sommeil

https://www.lllfrance.org/vous-informer/actualites/1722-que-disent-les-taux-dallaitement-francais#:~:text=%C3%80%20un%20an%2C%20seuls%209,encore%209%20%25%20%C3%A0%201%20an%20%3F 

²Elizabeth Pantley, un sommeil paisible et sans pleurs

³William Sears, Être parent la nuit aussi

⁴Claude-suzanne Didierjean-jouveau, Partager le sommeil de son enfant. Pour rappel et information, je me permet de laisser le lien de ce guide très complet sur le cododo pour des nuits d’amour avec son bébé en toute sécurité : https://www.coordination-allaitement.org/images/informer/sharingbedleaflet_french.pdf?fbclid=IwAR2si3eG4XWInWtLzaxDyeVQItzgBu4XpW9qPn-8e6-VTO1QiqF_SV6QcfU

⁵Elizabeth Pantley, un sommeil paisible et sans pleurs

⁶Dr Catherine Gueguen, Pour une enfance heureuse & Dr Rosa Jové, Dormir sans larmes

⁷Les associations Maman Blues ou encore Les pâtes au beurre pour ne citer qu’elles font un travail remarquable sur ce sujet. N’hésites jamais à faire appel aux associations locales si tu en ressens le besoin. Une maman/ des parents en bonne santé physique et morale est essentielle pour prendre soin de bébé.