Anatomie du sein.

Tant de mythes existent autour de l’allaitement ! Comprendre ce qui se passe dans son corps, dans le corps de la femme allaitante permet de mieux appréhender les choses. Nous allons donc nous intéresser à l’anatomie du sein de la femme allaitante, et plus spécifiquement à celle de la glande mammaire.

I) La glande mammaire

Le sein est constitué principalement de graisse et  la glande mammaire, qui est en fait là où est fabriqué et stocké le lait.

 a) L’unité de fabrication et de stockage du lait :

On a, de la structure la plus grande, vers la structure la plus petite :
– Chaque sein comporte 10 à 20 lobes
– Chaque lobe est composé d’une quarantaine de lobules
– Chaque lobule est composé dune centaine d’une multitude de petites « branches » qui se ramifient entre elles pour former un canal qui sort du lobule.
– Chaque petite « branche » est composée d’une multitude de « ballons »
– Chaque « ballon » est en fait la zone où est fabriqué et stocké le lait. Les cellules qui fabriquent le lait font tout le tour du ballon, et déversent le lait une fois produit dans le centre du ballon, qui coulera ensuite dans les canaux.
– Ce ballon est enveloppé de cellules contractiles. Lors du réflexe d’éjection, sous l’action de l’ocytocine, ces cellules se contractent et compriment donc le ballon qui déverse alors le lait dans les canaux. De façon imagé, ces cellules sont comme une main qui comprime une éponge³.

Pour clarifier un peu les termes :

– ballon = acinus = alvéole = unité productrice du lait
– cellule qui fabrique le lait = lactocyte = cellule alvéolaire
– cellule contractile = cellules myoépithéliale

Le saviez-vous ?

Evolution de la taille des seins pendant l’allaitement :
La quantité de tissu mammaire reste constante pendant les 6 premiers mois d’allaitement, puis diminue entre 6 et 9 mois ALORS QUE la quantité de lait produite diminue très peu8,10. C’est donc normal de sentir que ses seins sont moins volumineux vers 7-8 mois et cela ne signe pas du tout une baisse de lactation.

b) Point sur la capacité de stockage de chaque mère :

La capacité de stockage de chaque sein varie de 80 à 600ml selon les femmes. Si on considère les deux seins, cette capacité varie de 190 à 800ml environ4. Cette capacité de stockage n’est pas corrélée à la taille des seins (définie principalement par la masse grasse). On ne peut pas la mesurer en pratique courante. Il y a souvent un sein qui a une capacité de stockage plus importante que l’autre (souvent le droit).

Que la capacité de stockage soit importante ou faible, cela n’a rien à voir avec la quantité de lait produite par la mère⁴.

Mais alors qu’est ce que ça change d’avoir une capacité de stockage plus ou moins importante ?

Cela peut influencer sur le nombre de tétées quotidiennes nécessaires pour entretenir la lactation. Là où quelques tétées suffiront à une dyade d’allaitement, un nombre de tétées plus important sera nécessaire pour une autre afin de maintenir la lactation.

Trop réduire les tétées, ne pas tirer suffisamment en l’absence de bébé, ne pas donner de tétée la nuit etc, chez une mère qui a une capacité de stockage plus petite peut nuire à la poursuite de l’allaitement.

Alors évidemment en ce qui concerne les tétées de nuit, on sait bien que les bébés ne tètent pas que pour la faim, le sein est souvent pour eux le meilleur moyen de se rassurer, de passer d’un cycle de sommeil à un autre etc… Avoir besoin de téter la nuit n’est pas lié à la capacité de stockage de maman !

Mais à quoi cela sert-il de savoir tout cela ?

Cette information va vous permettre de bien comprendre que ce qui est vrai pour certaines mères n’est pas valable pour d’autres… Pourquoi certaines peuvent longtemps maintenir leur allaitement à une tétée matin et soir et pas d’autres… Pourquoi chez certaines le sevrage nocturne peut entraîner un sevrage total… Pourquoi certaines femmes doivent tirer 3 fois dans la journée de travail et d’autres une seule fois…

Chez les mères qui ont une capacité de stockage plus petite, il faut bien comprendre que bébé a besoin de téter plus souvent pour entretenir la production de lait, et non pas parce qu’elles n’ont pas assez de lait. Donc exit les conseils de l’entourage qui disent que oui mais ta grand-mère à 6 mois elle ne donnait la tétée que 4 fois par jour et ça s’est très bien passé hein⁵!

Mais il faut bien garder en tête qu’un nombre de tétées élevé ne veut pas dire petite capacité de stockage…

Dans un allaitement il y a deux protagonistes, maman et son bébé. Une mère peut avoir une capacité de stockage importante mais un bébé ayant un besoin de succion intense, un bébé ayant un RGO et donc besoin de téter souvent, ou tout simplement un bébé ayant besoin d’être souvent près de maman, à téter !

Il a donc été prouvé que certains bébés préfèrent téter souvent malgré une grande capacité de stockage de la mère, et à l’inverse, d’autres bébés exploitent au maximum les possibilités et tètent moins souvent malgré une faible capacité de stockage². Les mamans de plusieurs enfants diront bien que tous leurs allaitements étaient différents alors qu’elles ont une capacité de stockage relativement stable au cours de la vie.

On est toutes différentes. L’important est d’être à l’écoute de son corps, des signaux envoyés par son enfant. Quand les tétées doivent être diminuées pour une raison ou pour une autre, il vaut mieux être un peu trop prudente et y aller doucement, en voyant comment cela se passe.

Et bien sûr, cela confirme également qu’il est important de respecter le rythme de tétées à la demande le plus longtemps possible pendant la première année de bébé, et même idéalement plus longtemps !

c) Les canaux permettant l’éjection du lait :

Chaque ballon se déverse dans un canal. Chaque canal se déverse dans un canal plus grand, et ainsi de suite, jusqu’à arriver au canal galactophore principal qui se termine par un pore, ouverture au niveau du mamelon.
Ces canaux sont très enchevêtrés, de telle sorte, qu’un canal s’abouchant au centre du mamelon peut très bien correspondre à un lobe situé en position latérale du sein.
La majorité des femmes ont de 5 à 9 orifices au niveau du mamelon.
Les canaux ne font que transporter le lait, il n’y est pas stocké entre chaque tétée.
Ce mécanisme d’éjection du lait permet d’aborder la notion du « lait gras de fin de tétée ». En fait, on sait bien que plus la tétée avance, plus la proportion de gras est importante, même si la quantité de début de tétée est loin d’être négligeable. Les molécules de gras s’accumulent entre elles sous forme de « globule graisseux », très volumineux, et ont tendance à se coller aux parois des ballons, proches de lactocytes. Au moment de la tétée, lors de « l’essorage » de l’alvéole grâce à la contraction des cellules myoépithéliates, ce sont les constituants les plus petits et ceux plus proches de la sortie qui partent en premier. Les gros constituants que sont les lipides, passent aprés1. Cependant, tous les lipides ne passent pas en dernier, raison pour laquelle, du gras il y en a tout le long de la tétée, mais juste un peu plus à la fin !
En réalité, cette quantité de gras varie de 4 % en début de tétée à 10 % en fin de tétée².
De plus, une étude a montré qu’au cours d’une tétée, le bébé ne consommait qu’environ 70 % du lait disponible dans les seins, donc pas de panique si en pressant le sein après les tétées il y a toujours du lait ! Bébé aura quand même la bonne quantité de gras

D’ailleurs cette même étude permet de souligner que les bébés arrêtent de téter pas parce que le sein est « vide », mais parce qu’ils se nourrissent selon leur appétit². Il n’y a donc vraiment pas de durée « optimale » de téter, la seule durée optimale c’est celle que bébé choisit.

La concentration en gras en début ou en fin de tétée dépend aussi du niveau de remplissage du sein, et également de la capacité de stockage de la maman. Mais cela n’a pas d’impact car bébé saura très bien gérer la quantité de lait à prendre pour obtenir ce qu’il lui faut.

Bien évidemment, lorsqu’un bébé peine à prendre du poids et/ou qu’il a une succion délicate, il va réclamer le sein beaucoup plus souvent pour compenser.

Enfin, le plus important est de savoir que la croissance des nourrissons est beaucoup plus liée à la quantité de lait ingérée qu’à sa teneur en gras8. Donc pas de stress avec le gras, votre lait est suffisamment gras pour votre bébé et tout va bien !! Au final, il vaut mieux ne pas trop s’occuper de cette histoire de « lait gras de fin de tétée », et on oublie le fait de ne donner par principe qu’un seul sein pour que bébé « ait bien tout le gras ».

Plusieurs sein par tétées – Le lait gras

II) Le réseau sanguin

Autour de chaque ballon, il existe un riche réseau de petits vaisseaux sanguins, qui permettent les échanges avec les cellules productrices de lait.

Le lait est composé d’éléments déjà présents dans la circulation sanguine de la maman, mais également d’éléments propres au lait maternel, que l’on ne trouve nulle part ailleurs 1,9:

→ Le contact étroit entre les capillaires sanguins et les cellules productrices permet le passage de certains éléments directement vers l’intérieur du ballon, l’alvéole. Cela concerne les immunoglobulines, les hormones, le sel, l’eau etc, mais aussi les médicaments et les polluants.  

→ D’autres éléments sont fabriqués par les lactocytes, ils n’existent ni dans l’alimentation, ni dans le sang de la maman. Les lactocytes piochent alors dans les vaisseaux sanguins les constituants dont ils ont besoin. Cela concerne le lactose, la caséine et les lipides.

Le saviez-vous ?

Lors de la fameuse « montée de lait », certaines femmes ont les seins très volumineux, tendus et chauds. On peut aisément croire que c’est parce que les seins sont pleins de lait, mais c’est bien éloigné de la réalité. En fait c’est parce qu’il y a un afflux très important de sang dans les vaisseaux, ce qui fait qu’ils se dilatent et prennent beaucoup de volume1.
Mais ce mécanisme est dépendant de chaque femme, et certaines n’auront pas cette  grosse dilatation des vaisseaux, n’auront pas les seins tendus et pourtant elles auront la même quantité de lait que les autres !

III) Le tissu conjonctif et le tissu graisseux

Ce tissu est tout autour des glandes mammaires, mais aussi enchevêtré dans les glandes mammaires, entre les alvéoles.
Il y a le tissu conjonctif qui est le tissu de « soutien » du sein, et le tissu graisseux.
Ce tissu graisseux est très variable d’une femme à l’autre, et c’est ce qui fait varier la taille des seins entre un bonnet A et un bonnet E…
Ce ne sont pas les glandes mammaires qui font varier la taille des seins, on en déduit donc aisément que la capacité à allaiter n’a rien à voir avec la taille des seins.

Le saviez vous ?

Lors d’un engorgement, ce tissu entre les glandes mammaires peut « gonfler ». Ce tissu réagit un peu comme quand on s’est fait une entorse à la cheville par exemple, il se gonfle d’eau, il crée un « œdème ». Donc, le sein est gonflé car plein de lait, MAIS aussi car plein d’œdème³. Et donc c’est la raison pour laquelle on conseille de mettre du froid entre les tétées… Pour diminuer d’œdème ! Car en fait plus le tissu entre les glandes mammaires gonfle, plus il appuie sur les canaux, donc moins le lait pourra s’écouler facilement car les canaux seront comprimés.
Mais alors pourquoi on dit de mettre du chaud avant les tétées ?
Car le chaud là, va dilater les canaux juste avant la tétée.
Le froid diminue l’œdème mais il lui faut un peu de temps pour agir, donc entre les tétées, tandis que le chaud agit très rapidement, donc juste avant les tétées.
Cependant il faut garder en tête que mettre du froid pour diminuer l’œdème est plus important que mettre du chaud avant les tétées, qui semble moins « efficace ».
Cet œdème, ce gonflement entre les glandes mammaires montre également qu’il ne faut pas appuyer, presser sur un sein engorgé, mais juste masser doucement. Sinon on risque d’aggraver les choses, c’est comme si on appuyait fortement sur une entorse, sur une blessure….

Le saviez-vous ?

Non, l’allaitement n’abîme pas les seins !
Les études montrent que les seins retrouvent leur taille et leur tonicité quelques mois après le sevrage.
Par contre, les changements brusques de volume peuvent effectivement abîmer les seins. Ces changements s’observent pendant la grossesse, mais aussi lors de la montée de lait ou lors d’un sevrage brutal. La montée de lait a lieu chez toutes les femmes, et elle peut parfois être importante et persistante chez les femmes non allaitantes étant donné que le sein n’est pas drainé1. Le bandage des seins est alors à proscrire absolument car il aggrave l’œdème (et donc le risque de sein abîmé). Un allaitement bien mené, en mettant entre autre bébé au sein très régulièrement pendant la montée de lait, et en évitant tout sevrage brutal n’abîme donc pas les seins.
Les femmes se plaignent également souvent des seins qui « tombent ». Là aussi les études n’incriminent pas l’allaitement mais bien d’autres facteurs : un âge plus avancé, un indice de masse corporelle plus élevé, un nombre plus important de grossesses, un tabagisme ainsi qu’un épisode de perte de poids rapide et importante (plus de 20 kg)3.

IV) L’aréole et le mamelon

a) Les glandes de Montgomery

L’aréole pour un nouveau né est un « repère » primordial. Lors de l’approche « biological nurturing », bébé est déposé sur le ventre de sa maman. Il trouve alors le chemin du sein grâce à ses réflexes archaïques. L’aréole est un guide, un phare de par sa couleur et  son odeur. Le nouveau né peut la repérer à 30cm2,10 !

Cette odeur, « concentré d’odeurs de maman » est produite par les glandes de Montgomery, petites boules situées sur l’aréole. Il faut donc faire attention à ne pas nettoyer trop souvent cette zone, une douche avec un savon neutre une fois par jour suffit. Certains bébés peuvent être très sensibles à cette odeur et être perturbés lors de la mise au sein si elle est modifiée.

Ces glandes ont également des propriétés lubrifiantes et antibactériennes donc… laissons les tranquille3!!

b) Le mamelon

Il est flexible et malléable, ce qui lui permet d’épouser la forme de la bouche de bébé. Normalement, il va se nicher à la jonction palais dur/palais mou, et si tout va bien, la succion ne devrait pas être douloureuse pour la mère, et le mamelon ne devrait pas être blessé par des crevasses11 .

Cependant, les douleurs et les crevasses sont assez fréquentes. Dans la majeure partie des cas, il s’agit d’un souci de positionnement, il est alors important de se faire accompagner. L’approche d’allaitement en « biological nurturing » peut alors être très intéressante10.

D’autres soucis peuvent causer des crevasses et des douleurs, des troubles de la succion, une infection persistante d’une crevasse, la présence de freins restrictifs etc…, un accompagnement personnalisé et pluridisciplinaire sera alors d’une grande aide.

Il est à noter cependant que des douleurs lors des premiers jours d’allaitement d’intensité légère à modérée sont normales et dues aux hormones. Mais elles doivent être acceptables et ne pas excéder quelques jours. Il ne doit pas y avoir non plus de blessures du mamelon1.

Il existe des variations anatomiques, et certaines femmes ont les mamelons plats, ombiliqués ou invaginés. Cela n’entraîne certainement pas une impossibilité à allaiter ! Les débuts peuvent, c’est vrai, s’avérer un peu plus difficiles, mais l’allaitement est bien possible avec notamment un bon accompagnement.

Allaiter avec des mamelons plats ou ombiliqués

c) L’aréole

Sa souplesse et son élasticité sont des facteurs importants pour que bébé puisse bien prendre le maximum d’aréole en bouche.

Lors de la montée de lait ou lors d’engorgements, cette aréole peut-être œdématiée, gonflée d’eau, dure. Bébé aura alors du mal à attraper le sein1. Il pourra ne pas réussir à prendre le sein, ou alors en prendre juste une petite partie, ce qui peut faire très mal à maman, et risque de ne pas bien drainer le sein. En parallèle, bébé n’apprend pas à bien téter et se fatigue plus vite.

Donc si on sent son aréole dure avant une tétée, on peut faire une « contre pression », c’est à dire masser l’aréole puis mettre un doigt au dessus et un doigt au dessous du mamelon. On appuie alors doucement vers l’arrière du sein, vers le thorax pour refouler l’œdème. On peut recommencer en plaçant ses doigts de chaque côté du mamelon. Ce geste peut être un peu douloureux mais beaucoup moins que lorsque bébé tente d’attraper une aréole trop dure…

 

V) Les nerfs 

Les nerfs ont un rôle primordial lors de l’allaitement car ils sont des messages vers le cerveau pour déclencher la production d’hormones.

Leur principal problème est qu’ils peuvent être sectionnés lors d’interventions chirurgicales

Chirurgies mammaires – masses – cancer

Laurence Meda

 

Bibliographie et sources

1 – M.Thirion. L’allaitement, de la naissance au sevrage. 2014. p 34 à 125.
2 – JC. Kent. How breastfeeding works. 2007. http://www.breastfeedingsupport.ie/wp-content/uploads/2011/12/10_how_breastfeeding_works.pdf
3 – C.Didierjean-Jouveau. La vie des seines. 2014. https://www.lllfrance.org/vous-informer/fonds-documentaire/allaiter-aujourd-hui-extraits/1719
4 – Daly. SEJ, Owens RA, Hartmann PE. The short term synthesis and infant regulated removal of milk in lactating women. Exp Physiol 1993.
https://physoc.onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1113/expphysiol.1993.sp003681
5 – M.Pillot. Allaitement en maternité: les clés pour réussir. JRA 2005-2006.
https://www.coordination-allaitement.org/images/publications/Livret_des_JRA1_de_2005_%C3%A0_2008.pdf
6 – G.Gremmo-Feger. Anatomie et physiologie de la lactation humaine, La lettre du Gynécologue n°399. nov-dec 2015, p10-13
7 – K.Byonata. Foremilk and hindmilk. what does it mean ? 2023  https://kellymom.com/bf/got-milk/basics/foremilk-hindmilk/
8 – G.Gremmo-Feger. Allaitement maternel, la physiologie de l’AM au service de pratiques optimales. JRA 2009-2011.
https://www.i-hab.fr/wp-content/uploads/2020/04/Physiologie-AM-au-service-de-pratiques-optimales-GGF.pdf
9 – Comité éditorial pédagogique de l’UVMaF. Physiologie de la lactation.2011.
https://fr.scribd.com/document/549743188/Physiologie-de-La-Lactation
10 – S.Colson. L’allaitement instinctif. Biological nurturing. 2021
11 – M.Beaudry. S.Chiasson. J.Lauzière. Biologie de l’allaitement. 2006.