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Syndrome des ovaires polykystiques

Le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) a été décrit pour la première fois en 1935 par Stein et Leventhal.

Il se caractérise par la présence d’une polykystose ovarienne, d’une aménorrhée, et d’une infécondité par anovulation. Il représente la principale cause d’infertilité féminine, et pourrait concerner jusqu’à 10% des femmes.

Causes :

Il est induit par une perturbation de l’axe hypothalamus-hypophyse-ovaires, et les spécialistes pensent actuellement que la résistance à l’insuline et l’hyperinsulinémie qu’elle induit joue un rôle important dans la symptomatologie du SOPK.

Les femmes qui sont nées avec un faible poids de naissance, ont été traitées par valproate pendant l’adolescence ou ont subi un traumatisme crânien ont un risque plus élevé de SOPK. Dans la mesure où le SOPK est un syndrome, la symptomatologie pourra varier d’une femme à l’autre, ce qui rend le diagnostic plus difficile.

Dans un pourcentage significatif de cas, il pourra ne jamais être posé correctement.

Conséquences :

L’impact que peut avoir un SOPK sur la lactation est controversé. Dans une petite enquête ponctuelle auprès de 39 femmes allaitantes inscrites sur 2 forums Internet consacrés au SOPK, 1/3 des mères disaient ne pas avoir suffisamment de lait, tandis que les 2/3 avaient une production lactée suffisante, certaines mères présentant même une production surabondante.

Des articles anciens avaient décrit des anomalies du développement des seins. En 1972, une étude radiographique faisait état d’hypoplasie de la glande mammaire, ou d’hypertrophie essentiellement liée à une augmentation de la masse grasse du sein.

Une étude publiée en 1985 rapportait d’importantes anomalies glandulaires du parenchyme mammaire. Toutefois, les articles publiés ces 20 dernières années n’ont pas rapporté ces faits.

II semble toutefois que, chez certaines femmes, en particulier celles chez qui le SOPK est apparu tôt, il n’y ait pas suffisamment de tissu glandulaire mammaire pour permettre une production lactée adéquate.

La mammogénèse se produit essentiellement à 2 moments : pendant la puberté, puis pendant la grossesse. Un début précoce du SOPK pourra donc interférer avec le développement normal de la glande mammaire. Les seins pourront alors être visiblement hypoplasiques.

Chez certaines femmes, les seins pourront avoir un aspect morphologique normal, mais ne pas répondre normalement aux hormones de la grossesse par une prolifération de la glande mammaire. Un faible taux de progestérone est fréquent en cas de SOPK. Or, cette hormone joue un rôle important dans le développement de la glande mammaire, tant à la puberté que pendant la grossesse.

Un traitement par progestérone avant la grossesse et en début de grossesse pourrait permettre un meilleur développement glandulaire, et donc une production lactée plus abondante, comme constaté dans un cas clinique (Bodley, 1999).

La prolactine est également importante pour le développement de la glande mammaire pendant la grossesse, puis pour la lactation après la naissance. Si le taux de prolactine peut être normal, il existe souvent une hyperandrogénie, et les androgènes interfèrent avec les récepteurs de la prolactine.

En conséquence, le développement de la glande mammaire ou la synthèse du lait pourront être affectés indirectement.

Par ailleurs, les récepteurs pour la prolactine commencent à se multiplier pendant la grossesse, puis en post-partum précoce, en fonction de la stimulation des mamelons par l’enfant. 

Si le nombre de ces récepteurs est bas, l’impact de la prolactine sera diminué.

L’insuline joue, elle aussi, un rôle dans la synthèse du lait, en conjonction avec la prolactine et le cortisol. L’insuline a également un impact, même si le mécanisme en reste mal connu. Les femmes qui souffrent d’un diabète non contrôlé ont une production lactée insuffisante. Or, de nombreuses femmes souffrant de SOPK présentent une résistance à l’insuline.

L’hyperinsulinisme pourra donc également interférer avec la lactation. Les traitements actuels du SOPK incluent un traitement du diabète (essentiellement par metformine).

Aucune étude n’a jamais recherché une éventuelle différence de composition entre le lait de mères souffrant de SOPK et le lait de mères ne présentant pas cette pathologie.

Quoi qu’il en soit, il est nécessaire que la femme soit informée de l’impact que peut éventuellement avoir son SOPK sur sa capacité à allaiter, afin qu’elle puisse bénéficier d’un soutien adapté, des techniques et produits susceptibles d’optimiser sa production lactée, et d’un suivi étroit de la croissance de son enfant.

Chez une femme qui a déjà dû affronter un problème d’infertilité, le fait de découvrir qu’en outre son problème de santé risque de la rendre incapable d’allaiter son bébé peut être un choc. L’impact sur la lactation dépendra de l’impact du SOPK sur la glande mammaire.

Si l’hypoplasie mammaire est modérée, on peut espérer des améliorations.

Solutions et traitements :

Les approches traditionnellement conseillées pour augmenter la lactation (augmenter la fréquence des tétées ou des séances d’expression du lait) sont habituellement peu efficaces, mais méritent d’être essayées.

La prise d’un produit galactogène (dompéridone ou autre) donne des résultats variables et rarement pleinement satisfaisants. La prise de plantes galactogènes comme le fenugrec et le galéga peut être tentée : ces plantes ont un modeste potentiel hypoglycémiant.

L’utilisation de metformine semble très prometteuse. Une étude a constaté une nette amélioration lorsque la femme ne présentait pas d’hypoplasie majeure (Gabbay, 2002).

Deux études (Hale, 2002 ; Gardiner et al, 2003) ont constaté que la metformine passait peu dans le lait, ce qui la rend utilisable pendant l’allaitement.

Certains professionnels de santé la prescrivent, en conjonction avec un galactogène, en fonction de la situation.

Si un allaitement exclusif s’avère impossible, la mère pourra avoir besoin d’un soutien émotionnel, et d’informations pour nourrir adéquatement son bébé tout en préservant la relation d’allaitement si elle le souhaite.

Il est toutefois important de garder à l’esprit que la principale cause de production lactée insuffisante chez ces femmes, comme chez toutes les mères, est une conduite pratique inap-propriée de l’allaitement, comme dans la population générale.

Même si une production lactée insuffisante est constatée chez une mère souffrant de SOPK en dépit d’une pratique d’allaitement optimale, il sera utile de rechercher une hypothy-roïdie, un diabète mal contrôlé, une rétention placentaire, ou la prise d’une contraception hormonale.


Deux cas cliniques:
1- Premier cas

PCOS and Breastfeeding. CG Kelley. Breastfeed Update 2003 ; 3(3) : 1
Un SOPK avait été dépisté chez cette femme à l’occasion d’une laparotomie. Elle n’a présenté quasiment aucune modification de volume de ses seins pendant la grossesse.

Une prise de poids insuffisante a été constatée à 4 semaines chez le premier enfant de cette mère : il avait tout juste récupéré son poids de naissance, alors qu’il était allaité réellement à la demande. La mère a refusé d’introduire des biberons de lait industriel comme le lui recommandait le pédiatre, et elle s’est adressée à une consultante en lactation.

Cette dernière a conseillé à la mère de mettre fréquemment son bébé au sein, de tirer son lait après chaque tétée, et de donner des compléments (lait maternel exprimé + lait industriel) à la seringue. Le bébé a pris 225 g en 48 heures.

Toutefois, il s’est avéré rapidement que cette prise de poids était essentiellement due aux compléments de lait industriel, que la production lactée maternelle était indiscutablement basse, et qu’elle n’augmentait pas en dépit des efforts de la mère. Cette dernière a fini par renoncer à tirer son lait à 7 mois post-partum, et elle a commencé à utiliser un DAL sur le sein pour donner les compléments. Elle a allaité son bébé jusqu’à environ 2 ans.

Même si la relation d’allaitement était gratifiante, cette mère a trouvé très frustrant de ne pas pouvoir allaiter «normalement ».

Pendant sa seconde grossesse, elle a constaté une augmentation de volume de ses seins. Elle a décidé de ne prendre aucun produit galactogène, mais de se consacrer totalement à l’allaitement en post-partum précoce.

Elle a pu allaiter exclusivement ce second enfant. Il est possible que cette seconde grossesse ait permis un meilleur développement de la glande mammaire, ou d’un nombre plus élevé de récepteurs pour la prolactine. Une étude a constaté que les mères avaient davantage de laitavec leur second enfant qu’avec le premier (Ingram, 2001).

2- Deuxième cas

LF, case study. R Cosentino. Consultante en lactation. Lactnet, 26 Aug 2004.
Mme LF souffre de dystrophie polykystique ovarienne depuis l’adolescence, ainsi que d’acné persistante. Elle a accouché par césarienne sous péridurale d’un bébé en bonne santé et à terme, pesant 3650 g, pour une taille de 52 cm. La dystrophie polykystique ovarienne semble être un facteur de risque de sécrétion lactée insuffisante.

L’auteur, consultante en lactation (travaillant dans la maternité où a accouché Mme LF), a donc décidé de la suivre étroitement pendant la première semaine post-partum.

Il n’a pas été facile d’amener le bébé à prendre le sein. Toutefois, ce dernier a réussi à le prendre environ 55 minutes après la naissance. Le bain a été retardé jusqu’au lendemain. Mme LF a continué à mettre son bébé au sein, et a tiré son colostrum pour le lui donner en plus à la cuillère. Le premier jour, le bébé a pris 6 tétées, et a reçu 24 ml de colostrum donné à la cuillère. Il a eu 2 selles méconiales abondantes, et a uriné à 3 reprises. Pendant le 2ème jour, il a eu 10 tétées, une selle méconiale abondante, et a uriné 3 fois. Pendant le 3ème jour, il a eu 8 tétées, 5 selles méconiales et a uriné 3 fois. Le 4ème jour, il a eu 11 tétées, 6 selles de transition, et a uriné 4 fois. Le 5ème jour, on a dit à Mme LF de ne rien donner à son bébé pendant 4 heures, car il devait avoir l’estomac vide pour le test de dépistage de la phénylcétonurie. Le bébé a pleuré toute la matinée.

Le lendemain, la mère avait l’impression de « ne plus avoir de lait » ; les seins étaient très souples, et le bébé dormait au lieu de téter. Dès le 7ème jour, la consultante en lactation a recommandé à Mme LF de tirer son lait après chaque tétée, pour le donner à son bébé. Elle a obtenu environ 30 ml à chaque séance d’expression. Le 8ème jour, elle a obtenu 50 ml à chaque séance d’expression, sauf dans la soirée (20 à 30 ml).

Le bébé urinait normalement, mais ses selles étaient peu abondantes et vertes, et il dormait sur le sein. On ne l’entendait pas avaler. Le 9ème jour, la consultante en lactation a donné au bébé 40 ml de lait maternel pendant que le bébé était au sein à l’aide d’une seringue sur laquelle avait été fixé un tube de gavage. A J10, les seins étaient beaucoup plus tendus, le bébé avalait du lait, et le volume des selles augmentait.

Mme LF a continué à tirer son lait pendant 10 mn après chaque tétée pendant quelques jours, jusqu’au moment où elle a téléphoné à la consultante en lactation pour lui apprendre qu’elle avait obtenu 100 ml de lait en une seule séance d’expression. La consultante en lactation lui a conseillé de cesser progressivement de tirer son lait. Lors du suivi à J16, le bébé tétait 10 fois par jour, il avait au moins 6 selles jaunes quotidiennes, et urinait abondamment. Il était à 250 g au-dessus de son poids de naissance (3850 g), et la mère était très satisfaite.

La consultante en lactation a discuté avec elle des « poussées de croissance », et de la poursuite de l’allaitement.

Traitement du SOPK par metformine pendant la grossesse et l’allaitement

Le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) est l’une des pathologies hormonales les plus fréquentes, et on estime qu’elle touche 6 à 10% des femmes en âge de procréer. Il sera diagnostiqué devant l’existence d’au moins 2 des symptômes suivants : cycles menstruels irréguliers ou absents, manifestations cliniques et/ou biologiques d’hyperandrogénisme, et constatation d’une polykystose ovarienne à l’échographie. Mais de nombreux autres signes cliniques sont possibles.

Il s’accompagne également d’une résistance à l’insuline, qui sera souvent traitée par un biguanide, la metformine. A des posologies de 1,5 à 2 g/jour, elle permet d’obtenir la survenue de cycles ovulatoires chez plus de 50% des patientes.

Les femmes souffrant de SOPK ont un risque plus élevé de diabète gestationnel, de pré-éclampsie et d’accouchement prématuré. La metformine  semble pouvoir être utilisée pendant la grossesse, et les études sur le sujet montrent que la poursuite du traitement pendant la grossesse est susceptible d’abaisser le risque de complications.

Glueck et al ont évalué son utilisation pendant l’allaitement. Ils ont suivi pendant les 6 premiers mois sur le plan clinique 61 enfants allaités et 50 enfants nourris au lait industriel dont la mère souffrait de SOPK.

Les mères prenaient en moyenne 2,55 g/jour de met-formine, traitement suivi pendant la grossesse, puis l’allaitement. Les auteurs n’ont constaté aucune différence dans la croissance, le développement et la morbidité chez des enfants nés de mères souffrant de SOPK et traitées par metformine, qu’ils soient allaités ou nourris au lait industriel.

Il semble donc que la metformine soit utilisable pendant la grossesse et l’allaitement. Toutefois d’autres étudent restent nécessaires.

Growth, motor, and social development in breast- and formula-fed infants of metformin-treated women with polycys-tic ovary syndrome.

Glueck CJ, Salehi M, Sieve L, Wang P. J Pediatr 2006 ; 148 : 628-32. Expanding applications for metformin in polycystic ovarian syndrome. Liu JH, Bill AH.  J Pediatr 2006 ; 148 : 573-4.

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Tania Gouix Garcia